Le droit minier ne régit pas de manière exclusive les conditions de remise en état du site après l’arrêt des travaux miniers : le maire ou, à défaut, le préfet peut également mettre en œuvre son pouvoir de police spéciale des déchets, même après la fin de validité du titre minier. C’est ce qu’a récemment jugé la cour administrative d’appel de Toulouse dans un arrêt du 16 mars 2023, Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, n°21TL00688.
L’arrêt des travaux miniers et le transfert à l’Etat de la surveillance et de la prévention des risques
L’arrêt des travaux miniers fait l’objet d’une déclaration adressée au préfet, par laquelle l’explorateur ou l’exploitant fait connaître les mesures qu’il envisage de mettre en œuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier1, pour faire cesser de façon générale les désordres et nuisances de toute nature engendrés par ses activités, pour prévenir les risques de survenance de tels désordres et pour ménager, le cas échéant, les possibilités de reprise de l’exploitation2.
L’accomplissement des formalités liées à l’arrêt des travaux miniers met fin à l’exercice de la police spéciale des mines. L’explorateur ou l’exploitant est toutefois tenu, pendant une période de trente ans, d’accomplir toute mesure de prévention, de remédiation ou de surveillance découlant de l’arrêt des travaux miniers afin de préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier3.
La fin de validité du titre minier emporte transfert à l’Etat de la surveillance et de la prévention des risques d’affaissement de terrain ou d’accumulation de gaz dangereux, sous réserve que l’explorateur ou l’exploitant ait adressé au préfet sa déclaration d’arrêt de travaux et que le préfet ait donné acte des mesures réalisées. Ce transfert de responsabilité intervient après que l’explorateur ou l’exploitant a transmis à l’Etat les équipements, les études et toutes les données nécessaires à l’accomplissement des missions de surveillance et de prévention et après le versement par l’explorateur ou l’exploitant d’une somme correspondant au coût estimé des dix premières années de la surveillance, de la prévention des risques et du fonctionnement des équipements4.
Le droit minier ne régit pas exclusivement les conditions de remise en état du site après la fin des travaux miniers
Dans l’affaire dont était saisie la cour administrative d’appel de Toulouse, la société des Mines et fonderies de zinc de la Vieille Montagne, aux droits de laquelle est venue la société Umicore France, exploitait depuis le début du XXème siècle deux concessions minières pour l’extraction de zinc, plomb, argent et pyrite de fer. Par deux arrêtés pris en 1999, le préfet du Gard avait donné acte de l’arrêt des travaux miniers puis, par deux arrêtés pris en 2004 et en 2005, le ministre chargé des mines avait accepté la renonciation de la société à ses deux concessions minières.
Des études réalisées en 2008 et en 2016 ayant mis en évidence l’existence de fortes concentrations en métaux lourds sur les sites des anciennes concessions minières, le préfet du Gard, se substituant au maire, a exercé la police des déchets en mettant en demeure5 la société Umicore France de respecter ses obligations sur le fondement de l’article L. 541-2 du code de l’environnement aux termes duquel tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion jusqu’à leur élimination ou valorisation finale.
La société Umicore France a contesté cette mise en demeure en faisant notamment valoir que le droit minier régissait de manière exclusive les conditions de remise en état du site après l’arrêt des travaux miniers.
Ce moyen, qui avait été retenu par le tribunal pour annuler la mise en demeure, a été écarté par la cour.
Celle-ci a d’abord considéré qu’après l’arrêt des travaux et la fin de validité du titre minier, l’Etat assume uniquement la surveillance et la prévention des risques liés aux affaissements de terrain ou à l’accumulation de gaz dangereux à l’exclusion de la surveillance de la prévention des risques liés aux résidus miniers.
Quoique l’accomplissement des formalités liées à l’arrêt des travaux miniers mette fin à l’exercice de la police spéciale des mines, la cour juge qu’il ne met pas fin à l’exercice de la police spéciale des déchets. Le producteur ou détenteur de déchets restant responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, la juridiction d’appel en déduit que le préfet pouvait mettre en œuvre les prérogatives qu’il tient de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, au titre de la police des déchets, à l’encontre de l’ancien explorateur ou exploitant.
Selon la cour, ce dernier peut être mis en demeure par le préfet de respecter ses obligations d’élimination ou de valorisation des déchets alors même qu’il s’est conformé aux obligations qui lui ont été prescrites par l’Etat ou qu’il a lui-même envisagées lors de la cessation des travaux miniers.
La circonstance que l’ancien explorateur ou exploitant n’est plus détenteur des déchets en raison du fait qu’il n’occupe plus le terrain d’emprise de l’ancienne concession minière ne l’exonère pas davantage du respect de ses obligations issues du code de l’environnement, dès lors qu’il peut être regardé comme le producteur des déchets concernés.
Cette affaire a été jugée sous l’empire de dispositions législatives qui ont depuis évolué. L’article L. 163-9 du code minier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dispose désormais que le transfert de responsabilité intervenant à la fin de validité du titre minier conformément à l’article L. 174-2 du code minier « libère de ses obligations l’explorateur ou l’exploitant ». Or, les obligations en question renvoient expressément à la prévention, la remédiation et la surveillance prises à l’égard des intérêts énumérés à l’article L. 161-1 du même code, lesquels ont un caractère suffisamment général pour y inclure une obligation de lutter contre la pollution du sol liée à la présence de résidus miniers. La jurisprudence viendra utilement préciser si la solution retenue par la cour administrative d’appel de Toulouse s’applique également sous l’empire de ces nouvelles dispositions.
1 L’article L. 161-1 du code minier prévoit que les travaux de recherches ou d’exploitation minière doivent respecter les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité, de la santé et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, de la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre, littoral ou maritime, de la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles, particulièrement des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 219-7, L. 331-1, L. 332-1 et L. 341-1 du code de l’environnement, à l’intégrité des câbles, des réseaux ou des canalisations enfouis ou posés, à la conservation des intérêts de l’archéologie, à la conservation des monuments historiques classés ou inscrits, des abords de monuments historiques et des sites patrimoniaux remarquables mentionnés au livre VI du code du patrimoine, ainsi que des intérêts agricoles et halieutiques des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l’exploitation.
2 Articles L. 163-1 à L. 163-3 du code minier.
3 Article L. 163-9 du code minier.
4 Article L. 174-2 du code minier.
5 Sur le fondement de l’article L. 541-3 du code de l’environnement.